Qu’est-ce que ça veut dire, la « transition énergétique » ?

[Temps de lecture moyen 15 min]

Cette expression, nous l’entendons fréquemment. Mais qu’est-ce qu’elle signifie exactement ? Pourquoi devons nous effectuer une « transition » ? Et de quelle nature ?

Précisons d’abord le périmètre de cet article : l’objet n’est pas la « transition écologique » , sujet bien plus vaste et complexe que la « transition énergétique » qui en est une sous-partie. Pour aujourd’hui je me limite à cette sous-partie relative à nos sources d’énergie, c’est déjà pas mal ;-)

Comme nous l’avons vu dans un précédent article sur l’énergie, l’utilisation croissante de sources d’énergie, depuis 200 ans, a permis l’extraordinaire développement de l’Humanité que nous connaissons. C’est grâce aux sources d’énergie que nous pouvons nous abriter dans des maisons, nous chauffer, nous habiller, produire notre alimentation, nous soigner, nous déplacer, acheter les objets dont nous avons besoin, communiquer, etc…

Pourquoi ne pouvons-nous pas continuer sur la même trajectoire et nous projeter sereinement dans l’avenir ? Où est le problème ?

Le souci c’est que nous rencontrons deux contraintes fondamentales :

  • Les sources d’énergies fossiles – charbon, pétrole, gaz – que nous utilisons massivement (85% de l’énergie consommée par l’Humanité) ne sont pas renouvelables. Nous puisons dans des stocks qui, inexorablement, diminuent et, progressivement, s’épuiseront à long terme.
  • Utiliser les énergies fossiles est polluant : la combustion des hydrocarbures émet un gaz à effet de serre, le CO2, à l’origine – entre autres gaz – du réchauffement climatique. Celui-ci est un dynamitage – je pèse mon mot – de l’équilibre climatique de notre planète qui a permis le développement de l’Humanité depuis 10 000 ans. Et au delà même, ce sont les conditions climatiques qui prévalent depuis plusieurs millions d’années sur la Terre qui sont explosées façon puzzle.
    Les conséquences de ces bouleversements sont incalculables : voir mon article « Une vague de CO2, et alors ?« .

Le problème de l’épuisement des ressources fossiles n’est pas une urgence immédiate : il en reste encore des quantités importantes dans le sous-sol de la Terre. Surtout du charbon (nettement plus d’un siècle de consommation au rythme actuel), et aussi du gaz bien que dans une nettement moindre mesure (plusieurs décennies au rythme actuel). C’est moins vrai pour le pétrole : c’est la ressource qui va nous poser en premier le problème de son épuisement progressif dans les années et décennies qui viennent (*)

Par contre le problème du réchauffement climatique est urgentissime : le taux de CO2 augmente de manière exponentielle. Au cas où vous l’ayez oubliée, revoilà la courbe de son évolution :

Évolution du taux de CO2 dans l’atmosphère.
Pour voir le taux en direct, mesuré au jour le jour, cliquer ici.

Pour atténuer les conséquences du réchauffement, nous devons dès maintenant et massivement diminuer nos émissions en valeur absolue pour stabiliser le taux de CO2. Chaque jour compte pour obtenir un taux stabilisé le moins haut possible.
Rappelons que la hausse du taux de CO2 est irréversible à notre échelle : quoiqu’il arrive il faudra des milliers d’années, voire des dizaines de milliers d’années, pour qu’il redescende à un niveau proche de celui qu’il était avant la période industrielle. Ajoutons aussi que les projets de captage de CO2 qui permettraient de retirer du CO2 de l’atmosphère sont embryonnaires et – hélas – non généralisables. Il est malheureusement illusoire de compter dessus pour enlever du CO2 à une échelle suffisante qui ne serait pas insignifiante.

Voilà quel est l’objectif fondamental de la « transition énergétique » :
diminuer les émissions de CO2 pour lutter contre le réchauffement climatique.
En disant cela, normalement j’enfonce une porte grande ouverte pour beaucoup d’entre vous, enfin j’espère ;-)
Ceci étant, comme souvent, avoir bien clairement en tête l’objectif poursuivi est salutaire pour aider à choisir les solutions à mettre en œuvre. Ce rappel est donc utile.


Poursuivons : comment faire concrètement pour diminuer nos émissions de CO2, en ayant en tête que l’immense majorité de nos émissions proviennent de l’utilisation de nos sources d’énergies fossiles(**) et qu’il ne faut pas compter sur l’épuisement de celles-ci dans suffisamment peu de temps pour que cela nous aide (cf ci-dessus le paragraphe sur les réserves) ?

Nous allons raisonner à l’échelle de la France et utiliser des boîtes. Souvent, les boîtes aident beaucoup à bien comprendre certaines problématiques :-)
Voici une boîte représentant toute l’énergie consommée en France en un an :

Consommation d’énergie finale en France en 2015 (source)

L’unité est la Tonne Equivalent Pétrole (Tep). Cette unité permet de compter une quantité d’énergie, quelle que soit sa forme (charbon, gaz, uranium…) en indiquant à combien de tonnes de pétrole elle est équivalente en énergie.
En France, en un an, nous utilisons donc une quantité d’énergie équivalente à plus de 160 millions (M pour Méga) de tonnes de pétrole (chiffre 2015).

L’énergie est utilisée :

  • soit sous forme d’électricité,
  • soit sous d’autres formes : essence ou gasoil dans les voitures et les camions, gaz pour chauffer les bâtiments, gaz dans les fours industriels, kérosène dans les avions, chaleur issue de la géothermie, fuel lourd dans les cargos, bois de chauffage….

Il nous faut donc diviser notre boîte en deux sous-boîtes :

Répartition de la consommation d’énergie finale en France (2015) :
77,1% soit 125,1 MTep hors électricité, 22,9% soit 37,1 MTep sous forme électrique

Comme on le voit, l’énergie consommée sous forme électrique n’est qu’une petite partie du total : seulement un peu plus de 20%. La majorité (80%) de l’énergie est consommée sous une forme non électrique. Ce distinguo est important car on entend souvent des confusions avec les expressions « mix énergétique » et « mix électrique » : ce n’est pas la même chose.
Notons au passage que cette répartition ne vaut pas que pour la France : en moyenne mondiale, environ 20% de l’énergie consommée l’est sous forme électrique.

Reprenons maintenant le même schéma et complétons l’intérieur des boîtes avec des couleurs en fonction de l’origine de l’énergie :
– marron pour les sources d’énergie carbonée (énergies fossiles),
– vert pour les sources d’énergie émettant peu ou pas de CO2 fossile.
Décalons aussi un peu sur le côté la sous-boîte « électricité » et la sous-boîte « hors-électricité » pour y voir plus clair :

Répartition de la consommation d’énergie final en France (2015), par source d’énergie carbonée, en marron, ou non (peu) carbonée, en vert

[Pour ceux qui sont étonnés des valeurs des pourcentages de répartition des sources de l’électricité en France, notez que ces chiffres sont par rapport au total de l’énergie consommée. Si on se concentre uniquement sur l’électricité, les chiffres vous seront plus familiers (chiffres 2015) :
. nucléaire 76,3%,
. hydraulique 10,8%,
. ENR éolien/photovoltaïque/bioénergies 6,7% (ENR = ENergies Renouvelables)
. charbon/gaz/pétrole 6,2%,
(source)]

Ayant en tête l’objectif primordial évoqué plus haut, i.e. la diminution drastique des émissions de CO2, la transition énergétique finalement c’est très facile à comprendre :
il faut supprimer le marron.
Voilà.

Pour ce qui est de la France, vous voyez où se trouve le plus gros du travail, i.e. où est le plus gros pavé marron (constitué majoritairement de pétrole, de gaz dans une moindre mesure et d’un peu de charbon) ? Il s’agit de la consommation d’énergie hors électricité.
Voilà le message principal que je voulais vous faire passer dans cet article : en France, la production d’énergie sous forme électrique n’est pas le problème. Ce n’est pas là que nos actions doivent se concentrer car notre électricité est déjà décarbonées à plus de 90%.


Pour illustrer cela, il existe un site internet très intéressant : https://www.electricitymap.org. Ce site affiche en temps réel sur une carte l’intensité carbone de l’électricité produite par chaque pays (Europe surtout, plus quelques autres pays dans le monde), en utilisant le même code couleur que mon schéma : vert = peu carbonée, marron = très carbonée, avec toutes les nuances intermédiaires via le jaune (voir légende sous la carte. NB : bien sûr c’est moi qui ai piqué leur code couleur, et non l’inverse ;-) ).
Réalisée à partir de ce site, voici une vidéo de 2 minutes couvrant en accéléré toute l’année 2020 pour l’Europe :

Que voit-on : la France est un des seuls pays à être tout le temps vert, avec l’Islande (hydraulique et géothermie), la Suède (hydraulique et nucléaire) & la Norvège (hydraulique). Le job est fait, notre production électrique est quasi décarbonée !
Ce n’est pas le cas de bien d’autres pays européens, avec un carton rouge pour la Pologne, par exemple, et sa production d’électricité majoritairement issue de centrales à charbon…

Au passage, je glisse une petite pique au sujet de la politique suivie en France depuis plusieurs années, que l’on peut la résumer par : baisser la part de l’électricité nucléaire et la remplacer par une production à l’aide d’éoliennes et de centrales photovoltaïque. Si vous avez bien suivi ce qui précède, vous comprenez que cette politique consiste à remplacer… du vert par du vert… une électricité peu carbonée par une électricité peu carbonée… bilan de l’opération au regard de la diminution des émissions de CO2 : zéro… (***)
Cette politique a du sens si le postulat de départ est que sortir du nucléaire est une priorité, OK, mais il faut avoir conscience que cela ne nous fait quasiment pas avancer pour lutter contre le réchauffement climatique.
Sans parler du fait que le solaire et l’éolien sont par nature intermittents et sont des sources d’énergie très peu concentrées, ce qui implique que si on voulait les augmenter significativement en compensant la diminution du nucléaire alors il faudrait :
– couvrir des surfaces très importantes d’éoliennes et/ou de panneaux solaires. Juste pour fixer les idées : pour produire autant d’électricité à l’année qu’une tranche de centrale nucléaire de 900MW, il faut environ 3400 éoliennes (source), sachant qu’il y a plus de 50 tranches en France.
– du stockage massif d’électricité pour pallier l’intermittence, i.e. les périodes sans vent et/ou soleil, qui peuvent durer des jours entier en hiver. Et ça on ne sait pas faire aux échelles où cela serait nécessaire, hélas. Comme on ne sait pas faire, comment se débrouillent les pays qui sortent du nucléaire ? Et bien ils gardent ou se dotent de moyens de production fossiles ! Par exemple la Belgique qui est en train d’arrêter ses centrales nucléaire va se doter de centrales à… gaz. La Belgique va donc augmenter ses émission des CO2 pour sortir du nucléaire ! Autre exemple, l’Allemagne : ce pays qui a aussi fait le choix de sortir du nucléaire continue à utiliser des quantité importantes de charbon pour produire de l’électricité malgré la construction de nombreux parcs éoliens.


Bon alors, comment faire pour enlever du marron ? Il y a deux grands axes :

  1. Réduire la taille de la grande boîte : ce sont les économies d’énergie.
    Nous sommes là dans le registre de la sobriété et de la dé-croissance (on le sait, c’est un constat depuis un siècle, la consommation d’énergies est indexée sur la croissance économique).
    Exemples : moins se déplacer, moins fabriquer et transporter d’objets manufacturés, isoler pour moins chauffer/climatiser les bâtiments…
  2. Transformer du marron en vert : c’est l’électrification des usages, dans le but de remplacer des sources énergies fossiles par des sources d’énergie pas ou peu carbonées transportées sous forme électrique.
    Ce deuxième axe est indispensable pour faire passer la pilule plus facilement : si nous devons annuler tout le grand pavé marron avec seulement des économies d’énergie cela va être extrêmement difficile, alors que si nous pouvons électrifier des usages actuels d’énergies fossiles cela sera plus facile.
    Exemples : développer la mobilité électrique, développer les chauffages/climatisations par pompes à chaleur électriques…

Pour fixer les idées, voilà les grands postes d’émission de CO2 liés à l’énergie en France (barres hachurées rouge du schéma suivant) :

Les deux plus grosses barres hachurées en rouge sont le bâtiment (résidentiel et tertiaire, principalement le chauffage) et les transports (en n°1). Ce sont ces deux domaines qui sont les plus grands potentiels de baisse d’émissions de CO2 sur lesquelles nous devons travailler en priorité. Les autres aussi bien sûr car il faut faire feu de tous bois, mais vous voyez où sont les plus importants.

Dans le domaine des transports, le plus gros potentiel c’est…
nos voitures thermiques ! Leurs émissions comptent pour plus de la moitié des émissions liées au transport :

Nos voitures et le chauffage de nos bâtiments : voilà donc nos deux principales sources d’émissions de CO2(****). Ce n’est pas une bonne nouvelle car les diminuer n’est pas simple : subventionner des éoliennes et des panneaux solaires c’est « facile » mais travailler en profondeur pour repenser notre mobilité, revoir l’aménagement du territoire actuellement structuré autour des déplacements en voiture, isoler des millions de maisons et immeubles, changer des millions de chaudières, voilà qui est plus compliqué. C’est pourtant ce à quoi nous devons nous attaquer.


Pour compléter et élargir au monde entier ce panorama sur la transition énergétique, voici maintenant un schéma (en anglais hélas) issu du rapport publié ces derniers jours par l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), décrivant quel pourrait être l’étroit et délicat scénario énergétique nous permettant d’atteindre la neutralité carbone en 2050 et ainsi rester sous le seuil des +1,5°C d’évolution de la température sur Terre :

Ce schéma décrit comment devraient évoluer les quantités d’énergie utilisées par l’Humanité, en fonction des différentes sources. L’unité utilisée est l’ « exajoule » (1 EJ = 1 milliard de milliards de Joules). Encore une nouvelle unité d’énergie… mais peu importe : même sans la connaître on comprend très bien le schéma. Lire toutefois ici pour en savoir plus sur les unités d’énergie si cela vous intéresse.

Dans ce scénario dit « NZE » (Net-Zero Emissions : émissions nettes nulles) :

  • la quantité globale d’énergie utilisée diminue (c’est l’axe 1 que j’évoquais plus haut relatif aux économies d’énergie)
  • l’usage des énergie fossiles charbon / pétrole / gaz (marron / rouge / violet) décroit très fortement : c’est le but pour diminuer les émissions de CO2.
  • le nucléaire (jaune) est multiplié par deux pour représenter environ 10% et les énergies renouvelables solaires et éoliennes (orange / bleu clair) croissent très fortement : c’est l’axe 2 que j’évoquais plus haut relatif à l’électrification des usages.
    Au passage, concernant le solaire et l’éolien, c’est cette forte croissance qui rend ce scénario hélas très hypothétique, du fait des problématiques non résolues à ce jour de stockage d’énergie nécessaires pour compenser l’intermittence, et de la surface très importante de territoire nécessaire (cf plus haut).
    NB : si en plus il fallait se passer du nucléaire, ce serait encore plus difficile et hypothétique…

A l’appui de ce scénario de l’AIE, voici un comparatif de l’impact écologique des différentes sources d’énergie pour la production électrique (cliquer sur l’image pour agrandir) :


A la lecture de ce schéma comparatif, vous comprenez pourquoi de nombreuses voix défendent le fait que nucléaire est un atout pour la transition énergétique, en complémentarité avec les renouvelables. Il coche toutes les cases : faible intensité carbone, faible empreinte au sol, faible utilisation de matériaux, fort facteur de charge [lire la définition de cette expression dans le schéma], faible dangerosité (si, si).

Voilà, ce scénario « NZE » de l’AIE est intéressant pour poser les grands principes de ce à quoi pourrait ressembler une trajectoire de transition énergétique mondiale. Bien sûr il ne s’agit que d’une ligne directrice : chaque pays a ses spécificités dont il faut tenir compte intelligemment mais vous avez l’idée générale.


Le mot de la fin sera un dernier schéma. Mais je préviens de suite : si vous ne voulez pas déprimer, arrêtez ici votre lecture. Si vous vous sentez fort(e), alors continuez.
[Je parie que vous allez tous continuer parce que vous êtes curieux-ses (sinon vous ne seriez pas ici) ! ;-) ].

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Vous êtes sûr(e) ?

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Voici les prévisions de productions et de consommation d’énergie de l’Agence de l’Energie américaine jusqu’en 2050 ( désolé c’est encore en anglais) :

Que voit-on ? D’ici 2050 les prévisions de production & consommation de pétrole et de gaz des Etats-Unis sont au plus haut (ce sont les deux courbes les plus hautes sur les deux schémas : à gauche la production, à droite la consommation) !
Avec les émissions de CO2 qui vont avec…
On est hélas loin, mais alors loin, du scénario de l’AIE…

Il y a deux très grands types d’action à mener face au réchauffement climatique :
1- l’atténuation, visant à en diminuer l’ampleur : concrètement c’est la diminution des émissions de CO2 évoquée dans cet article,
2- l’adaptation, visant à nous préparer et à anticiper les conséquences du réchauffement.
Ce dernier schéma montre qu’il est nécessaire de mener en parallèle ces deux types d’actions car la trajectoire américaine – entre autres trajectoires – laisse à penser que le scénario de l’AIE est très très optimiste, et qu’on va droit vers un réchauffement conséquent. Il va donc falloir, aussi, s’y adapter.

(*) Épuisement des réserves de pétrole, gaz & charbon : la question des réserves en ressources fossiles encore à notre disposition sous terre est redoutablement complexe. Il est extrêmement difficile voire impossible de faire des prédictions précises sur ces réserves, tant les incertitudes sont nombreuses : géologiques, techniques, politiques… sans parler du fait que cela dépend de quel type de réserve on parle : réserves « prouvées », réserves « probables », réserves « possibles »…
Les indications de durées de réserves données dans cet article sont seulement des indications d’ordre de grandeur pour fixer les idées et illustrer le fait que ce n’est pas un problème à très court terme pour l’Humanité.

(plus d’informations ici)
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(**) La consommation d’énergie fossile n’est pas la seule source d’émission de CO2. Bien que moins importantes – un quart du total environ – il existe d’autres sources, par exemple le changement d’usage des sols (il s’agit de la déforestation, principalement) ou la fabrication du ciment (la réaction chimique de transformation du calcaire en chaux pour obtenir du ciment produit du CO2, ce qui s’ajoute au fait qu’il faut chauffer fortement pour obtenir la réaction et donc il faut aussi brûler du gaz…).
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(***) Fort heureusement, dans la réalité ce n’est pas tout à fait ce qui se passe : selon ce rapport de RTE, ces dernières années, la production des ENR éoliennes et photovoltaïques s’est ajoutée à la production nucléaire et hydraulique, ce qui a tout de même permis de diminuer légèrement les émissions de GES :
1- en permettant de manger un peu sur la petite bande marron du schéma ci-dessus (partie électricité) : ce sont les centrales électriques thermiques classiques qui ont moins eu besoin de produire,
2- en permettant, par le jeu de l’augmentation des exportations d’électricité et de la diminution des importations, aux pays voisin de produire un peu moins d’électricité carbonée.

Cet ajout est possible car :
aujourd’hui la production des ENR reste faible en quantité par rapport aux autres sources,
– globalement, on fait diminuer les sources d’énergie électriques pilotables, dont le nucléaire, pour « laisser la place » aux ENR

Cette stratégie a toutefois ses limites :
1- la bande marron dans la partie électricité du schéma n’est pas bien grande => il n’y a pas grand chose à gagner
2- décarboner la production électrique de nos pays voisins c’est sympa et c’est toujours ça de gagné pour le climat, mais s’il y a des milliards d’euros qui sont encore à investir ça serait plutôt pour s’attaquer au grand pavé marron : c’est là que se trouve le gros des efforts à fournir.

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(****) Dans cet article je me concentre sur les sources d’énergie et les émissions de CO2 de la France. Gardez toutefois en tête que ce n’est qu’une partie du problème : en réalité notre empreinte carbone en tant que Français est plus importante encore du fait des importations d’objets manufacturés, qui sont fabriqués ailleurs qu’en France, avec des émissions de CO2 ailleurs qu’en France, mais dont nous bénéficions et sommes responsables directement.
Par exemple le smartphone que vous avez dans la poche, ou l’ordinateur sur votre bureau, que vous utilisez pour lire ces mots a nécessité des sources d’énergie et des émissions de CO2 pour être fabriqué, en Chine vraisemblablement…

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5 réponses
  1. MIGNON
    MIGNON dit :

    Très clair … comme toujours :-)
    Développons les véhicules éléctriques … c’est bon pour mon business (ah ah ah)

    Répondre
  2. Ph. Sever
    Ph. Sever dit :

    Fort intéressant, comme c’est toujours le cas, à l’occasion de chaque épisode !
    MERCI.

    Mais on ne m’enlèvera pas de l’idée qu’une fois de plus, un léger parti pris « pronucléaire » influence un tant soi peu ta démonstration ???

    Je ne suis pas de taille à argumenter, c’est juste un sentiment, l’impression que, sur ce sujet, tu occultes les inconvénients/dangers potentiels/conséquences à long terme au seul profit des aspects positifs de cette source d’énergie NON renouvelable.

    Comme tu l’écris, « pour enlever du marron il faut réduire la taille de la grande boîte ! », … et en mettant cette phrase en valeur plutôt qu’une autre, j’ai bien conscience de faire d’abord état d’une conviction personnelle et non d’un argument scientifique objectif majeur !

    Ph

    Répondre
    • Philippe
      Philippe dit :

      Merci Philippe pour ton retour.
      Je suis content d’avoir une réaction sur cette question du nucléaire, à vrai dire je suis même étonné de ne pas en avoir plus !

      Ça me donne l’occasion d’insister sur un point pour lequel je ne suis sûrement pas assez clair : le choix ou non du nucléaire est un choix de société, un choix politique (au sens noble du mot). Ce n’est pas le résultat d’une logique scientifique et je n’entends pas démontrer scientifiquement que le nucléaire est nécessaire.
      La science ne peut qu’éclairer les choix de société, en faisant état des données factuelles, conséquences, avantages, inconvénients de ceux-ci et permettre ainsi la décision.

      Ma conviction que j’ai fini par forger après des années de lecture sur le sujet est effectivement que pour l’instant nous avons besoin du nucléaire. En affichant cette conviction dans mes articles, je ne suis pas complètement clean au regard de l’ « éthique » scientifique. En effet, depuis toujours dans le domaine scientifique, la règle est de ne pas afficher ses opinions et de rester strictement sur la présentation des données scientifiques, pour respecter ce que j’indiquais ci-dessus : la science éclaire les choix de société mais ne s’en mêle pas. S’agissant de la vulgarisation scientifique sur les problématiques environnementales, de nombreux vulgarisateurs « bouillent » toutefois d’être ainsi bridés dans leur expression, en voyant à quel point certains indicateurs et alertes qu’ils soulèvent sont alarmants… mais non pris en compte. Cela a fait – et fait encore – débat parmi les vulgarisateurs mais aujourd’hui certains vulgarisateurs franchissent le rubicon et font état de leur convictions car ils sont désespérés de ne rien voir bouger alors qu’ils alertent sans relâche sur les conséquences néfastes à venir. Cela est particulièrement vrai sur la problématique du réchauffement climatique face à laquelle on ne peut que déplorer que la société ne prends pas les mesures nécessaires malgré l’accumulation des données scientifiques depuis des décennies.
      Tu as tout à fait raison de pointer que je franchis ce rubicon, c’est le cas !
      Je dois par contre m’attacher à être extrêmement clair lorsque j’affiche une conviction et non des données scientifiques, c’est fondamental et je ne le fait peut-être pas assez.

      Sur le fait que le nucléaire est non renouvelable, c’est tout à fait vrai : l’uranium est un minerai présent en quantités finies sur Terre. Au rythme actuel de consommation, les prévisions que l’on peut lire sur les réserves restantes tournent autour du siècle environ (chiffre à prendre avec beaucoup de pincettes). MAIS nous avons la possibilité de prolonger considérablement cette durée avec les surgénérateurs qui permettent de réutiliser dans de nouveaux réacteurs les produits de fission présents dans le combustible usé sortant des réacteurs que l’on décharge. En France, Superphénix, qui a été arrêté après des déboires techniques, en était un exemple. Le réacteur de recherche du CEA, ASTRID, en était un autre, il a été arrêté lui aussi récemment sur décision politique.
      Toutefois aux Etats-Unis, en Chine et en Russie d’intenses travaux de recherche et développement ont lieu actuellement sur cette technologie. En Russie, un surgénérateur nommé BN-800 fonctionne et produit de l’électricité sur le réseau.
      Avec la surgénération, les estimations de réserves passent à plusieurs millénaires : cela laisse le temps de voir venir et de développer les sources d’énergie réellement renouvelables, qui à long terme sont les seules qui ont du sens on va être d’accord là-dessus je pense.

      Encore merci à toi pour tes commentaires :-)
      Philippe

      Répondre

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  1. […] Nous le savons, le défi de la transition énergétique que nous devons mener à bien au niveau mondial est de réussir à nous passer des sources d’énergie fossiles charbon, pétrole et gaz (relisez mon article sur le sujet). […]

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