Une vague de CO2, et alors ?
Vous avez, bien sûr, lu mon article « Une vague… de CO2« . Vous vous êtes alors peut-être dit : OK la quantité de CO2 augmente dans l’atmosphère, du fait des activités humaines, et alors ?
Effectivement, ces histoires de CO2 sont bien théoriques, et concrètement il est difficile d’imaginer réellement ce qu’elles signifient et l’impact qu’elles peuvent avoir.
Dans cet article je vais tenter de mettre un peu de concret dans tout ça, à l’aide du graphique suivant :
Grâce à l’étude de la composition de l’air contenu dans les minuscules bulles d’air emprisonnées dans les couches de glaces de l’Antarctique, les scientifiques ont pu reconstituer avec précision l’historique de la composition de l’atmosphère, et notamment le taux de CO2.
Ce graphique permet de voir que, depuis 800 000 ans le taux de CO2 a évolué sans cesse(*), entre 180 et 290 ppm. Or, la température moyenne sur Terre est fortement influencée par le taux de CO2 : plus le taux de CO2 est élevé plus la température est élevée. Cela est dû à l’effet de serre provoqué par ce gaz, qui amplifie le réchauffement.
Pour mieux percevoir ces évolutions, j’ai ajouté les points A et B sur le graphique : A est positionné il y a 20 000 ans et B est positionné il y a 10 000 ans. Voyons maintenant ce qui s’est passé entre ces deux points (attention concentrez-vous, c’est maintenant que commence le cœur de cet article !).
Quand la Terre était en A, il y a 20 000 ans, nous étions encore au cœur de la dernière glaciation. Le nord du continent américain était sous la glace jusqu’à New-York, idem pour toute la Scandinavie et les Iles Britanniques jusqu’à environ la moitié de l’Angleterre, ainsi que la Sibérie. Dans les Alpes, les glaciers descendaient presque jusqu’à Lyon. Les océans étaient bien plus bas qu’aujourd’hui : il était possible d’aller à pieds en Angleterre, ou de traverser le détroit de Béring sans se mouiller les pieds. En France, le climat n’autorisait qu’une végétation de type toundra, sur laquelle des troupeaux de rennes se baladaient tranquillement.
Que s’est il passé entre A et B, en 10 000 ans ?
La température moyenne de la Terre a augmenté d’environ 5 degrés. Cela a bouleversé la physionomie de la planète : les zones climatiques ont migré vers le nord dans l’hémisphère nord et vers le sud dans l’hémisphère sud , le niveau de la mer est monté de 120 mètres (!), les espèces végétales ont migré, les espèces animales aussi, dont l’homme (**).
Tout cela avec seulement 100 ppm de CO2 en plus (le taux de CO2 est passé de 180 à 280 ppm). Maintenant remontez un peu voir le graphique et regardez à combien en est le taux de CO2 aujourd’hui, et quels sont les taux projetés en 2100 en fonction des scénarios futurs d’émissions.
[pause : prenez le temps de remonter au graphique et de revenir ici, je vous attends ;-) ]
Que voit-on sur le graphique ? A date d’aujourd’hui, le taux de CO2 a déjà augmenté de plus de 100ppm, et en 2100 il aura gagné plusieurs centaines de ppm, même dans le scénario le plus favorable. Est-ce que vous sentez intuitivement ce qui va se passer ? Est-ce que vous percevez que, vu l’ampleur des changements climatiques associés à une centaine de ppm de CO2 supplémentaire (une sortie de glaciation modifiant fortement tout le climat terrestre), les conséquences d’un ajout de plusieurs centaines de ppm supplémentaires seront très importantes ?
Les impacts sur le climat de la Terre d’une telle hausse de CO2 seront (liste non exhaustive) :
– plusieurs mètres de hausse de niveau de la mer dans les siècles à venir (en commençant par 80 cm à 1m dès 2100, et ensuite ça continue)
– des zones climatiques qui se déplacent vers les pôles
– des espèces végétales et animales qui tentent de suivre en migrant (mais de nombreuses espèces végétales ne pourront pas suivre car elles seront trop lentes, et il en sera de même pour les animaux qui s’en nourrissent)
– des zones entières de la Terre devenues invivables pour l’Homme, autour des zones tropicales, pour cause d’une combinaison température + humidité trop élevées
(***)
Au delà de l’impact sur la planète qui, elle, s’en remettra quoi qu’il arrive, ce qui est important ce sont les conséquences que cette évolution climatique aura sur l’Humanité : récoltes agricoles impactées, pénuries alimentaires dans certains régions, régions côtières progressivement submergées, déplacements de populations, conflits…
Epilogue
Loin de moi, avec cet article, l’idée de tomber dans le catastrophisme sur les conséquences du réchauffement climatique. En effet une telle posture peut-être anxiogène, démobilisante et/ou conduire à tomber dans le déni, telle l’autruche qui se met la tête dans le sable en cas de danger. Toutefois lorsque l’évolution future d’une situation qui peut nous affecter est objectivement défavorable, alors il est indispensable de la connaître et la comprendre pour pouvoir se mettre en action et faire changer les choses. Il est donc important d’en être informé le plus complètement et objectivement possible… pour pouvoir faire le contraire de l’autruche : ouvrir les yeux, être conscient de ce qui est en train de se passer et agir.
Il n’est pas trop tard et il ne sera jamais trop tard ! Même si certains impacts futurs du réchauffement sont inévitables car ce seront les conséquences mécaniques des quantités de CO2 déjà émises, l’ampleur des effets du réchauffement climatique à venir dépend directement des quantité de CO2 que nous allons émettre dans le futur. Toute baisse de ces émissions que nous parviendrons à réaliser permettra directement d’atténuer les conséquences néfastes du réchauffement.
(*) Quelle est l’origine de ces variations naturelles du taux de CO2 et de la température moyenne (à cette échelle temporelle) ?
Elles sont provoquées par des petites variations cycliques de l’orbite terrestre. Celles-ci sont causées, notamment, par l’influence des deux grosses planètes du système solaire, Jupiter et Saturne, qui font que la course de la Terre autour du soleil et sa rotation sur elle-même ne sont pas parfaitement régulières. Ces variations s’appellent le « cycle de Milanković« .
Ces variations orbitales entraînent des variations de l’ensoleillement reçu par la terre, d’où des variations de température et des variations de taux de CO2. Le mécanisme de l’influence de la température sur le taux de CO2, et vice versa, est un petit peu complexe : il nécessite de parler de la notion de « boucle de rétroaction ». Je ferai un prochain article sur le sujet, promis !
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(**) Notez que, à cause des cycles de Milanković, ces évènements sont tout à fait fréquents et banals dans l’histoire des climats de la Terre : depuis 800 000 ans, le climat enchaîne les cycles glaciation, réchauffement, période chaude interglaciaire, de nouveau glaciation, etc… tous les 100 000 ans environ. A chaque fois, on observe une variation de température d’environ 5 degrés et une variation du niveau des océans d’environ 100 à 120m, ajustement normal, conséquence des lois de la physique.
NB : Si l’Humanité n’était pas venue perturber les cycles naturels en émettant massivement du CO2, les variations normales de l’orbite terrestre auraient dû conduire à ce que :
– pendant encore 10 000 à 15 000 ans, le climat reste stable (période « chaude » interglaciaire)
– puis pendant les quelques dizaines de milliers d’années suivant, le climat se refroidit lentement pour replonger dans une nouvelle période glaciaire
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(***) Vous vous dites sûrement : mais pourquoi ces conséquences ne sont elles pas déjà là, vu qu’une forte augmentation de CO2 s’est déjà produite ? Et bien c’est parce que les phénomènes climatiques terrestres ont une inertie extrêmement importante : ils mettent des milliers d’années à évoluer. Cette inertie est due à la présence des océans (70% de la surface de la Terre) et des calottes glaciaires qui absorbent des quantités colossales de chaleur, tout en ne se réchauffant que très, très doucement. Ils agissent comme un gigantesque « retardateur » de l’évolution du climat, exactement comme le tonneau d’eau que les anciens mettaient dans leur cave pour empêcher – ou plutôt ralentir – l’arrivée du gel, l’hiver, dans la cave et retarder la montée en température l’été.
Du fait de cette inertie, le climat est « pris de vitesse » par l’augmentation du CO2. Il n’arrive pas à suivre, car il ne peut évoluer qu’à sa propre vitesse, bien plus faible.
Cette vitesse est très lente à l’échelle humaine mais extrêmement rapide comparée aux évolutions habituelles du climat sur Terre. Songez que dans toute l’histoire de la Terre (4,5 milliards d’années quand même), les plus rapides variations climatiques naturelles constatées ont été de l’ordre de 1 degré en 2000 ans. Or l’évolution déjà observée à cause de l’augmentation de CO2 d’origine humaine est de 1 degré en 100 ans seulement, 20 fois plus rapide !
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[…] novembre dernier est paru mon article « Une vague de CO2 et alors ? » . Il a pour but de faire comprendre la nature inédite et les graves conséquences de […]
[…] Utiliser les énergies fossiles est polluant : la combustion des hydrocarbures émet un gaz à effet de serre, le CO2, à l’origine – entre autres gaz – du réchauffement climatique. Celui-ci est un dynamitage – je pèse mon mot – de l’équilibre climatique de notre planète qui a permis le développement de l’Humanité depuis 10 000 ans. Et au delà même, ce sont les conditions climatiques qui prévalent depuis plusieurs millions d’années sur la Terre qui sont explosées façon puzzle.Les conséquences de ces bouleversements sont incalculables : voir mon article « Une vague de CO2, et alors ?« . […]
[…] du climat (cf l’histoire du tonneau d’eau dans les caves, à la fin de mon article « Une vague de CO2, et alors ?« ) en ne se réchauffant que très lentement malgré ce flux de chaleur […]
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