Nucléaire VS Énergies renouvelables : le match ?
Vous avez peut-être lu dans la presse que RTE(1) et l’AIE(1) ont sorti le 27 janvier une étude très attendue sur le thème « un scénario 100% électricité renouvelable est-il plausible ? ». Si oui, vous avez peut-être retenu de votre lecture que, oui, un tel scénario est techniquement possible. Conclusion que vous en avez sûrement tiré : il n’y a plus d’obstacles, on va pouvoir produire toute notre électricité avec des sources renouvelables, c’est génial, bon débarras le nucléaire et les énergies fossiles !
Dans cet article je vais – hélas – doucher cet enthousiasme et aborder le sujet délicat du débat fréquemment mis en avant dans les médias : faut-il du nucléaire ou faut-il des énergies renouvelables ?? La réponse à cette question et les éléments du débat ne sont pas si simples. Qui plus est, ce n’est pas en ces termes que la question se pose, en fait…
Bon, quel est le problème ?
Commençons par le début : dans cette histoire, quel est le problème et quel est le but poursuivi ? Nous devrions tomber d’accord sur le fait que le problème essentiel, crucial, est celui posé par les énergies fossiles. Trois raisons fondamentales à cela :
- les sources d’énergie sont absolument vitales pour l’Humanité. Tout notre mode de vie, toutes nos existences repose dessus : je ne vais pas redire ce que j’ai expliqué dans mon précédent article sur l’énergie, (re)lisez-le ;-) .
Or, 85% de l’énergie consommée dans le monde a une origine fossile (pourcentage quasi constant depuis des décennies). - le réchauffement climatique. L’augmentation du taux de CO2, gaz à effet de serre émis par la combustion des énergie fossiles, dans l’atmosphère est en train de totalement bouleverser notre climat, dont la quasi stabilité depuis 10 000 ans a permis le développement de l’Humanité. Les conséquences présentes et surtout futures sont colossales : zones entières de la Terre devenant invivables une grande partie de l’année, hausse du niveau de la mer de plusieurs mètres, migrations massives de populations, insécurité alimentaire du fait de l’impact des évolutions climatiques, conflits inévitables, …
- L’épuisement des ressources fossiles. J’y reviendrai dans un prochain article spécifique sur le pétrole [oui oui je sais je l’ai déjà promis depuis un moment cet article sur le pétrole, promis vous l’aurez !], mais retenez que, sur une planète finie, les quantités de ressources fossiles disponibles ne sont pas infinies. Déjà des tensions sur l’approvisionnement européen en pétrole et en gaz existent depuis quelques années, et elles ne vont pas s’arranger car les ressources commencent à être insuffisantes pour continuer encore la croissance de leur utilisation. Notez toutefois qu’il reste encore suffisamment de sources d’énergies fossiles sous terre (notamment du charbon, en quantités encore importantes) pour cramer notre climat plusieurs fois… Il est donc hélas inutile et dangereux de compter sur l’épuisement prochain des ressources fossiles pour régler le problème du réchauffement climatique.
Première conclusion : dans l’immédiat – je veux dire à l’échelle de temps de vos vies et de la mienne – le problème le plus urgent, le plus crucial, le plus impactant est celui du réchauffement climatique.
C’est lui qui est sur le haut de la pile, devant tous les autres(2).
Que faut-il faire ?
Comment fait-on pour lutter contre le réchauffement climatique ? « Facile », il suffit de diminuer nos émissions de CO2 pour les rendre nulles en 2050. C’est la trajectoire mentionné par le GIEC pour pouvoir rester sous les 2°C de hausse, qui est la limite en dessus de laquelle on considère que l’augmentation de température n’est plus gérable par l’Humanité sans dommages considérables.
Pour faire cela, c’est simple (du moins à comprendre) : il faut remplacer nos sources d’énergies fossiles par des sources d’énergie décarbonées. Voilà quelle est notre priorité.
En France, pour réaliser cette « transition écologique », notre stratégie consiste essentiellement à mettre le paquet (entre 5 et 7 milliards d’euros par an de subventions publiques entre 2018 et 2031, lire ici) sur la production d’électricité à partir des sources d’énergies renouvelables, principalement l’éolien et le solaire photovoltaïque(3), tout en diminuant la part du nucléaire : celui-ci devra représenter 50% du mix électrique d’ici 2035, selon la loi de Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), avant de continuer à diminuer d’ici 2050, date à laquelle nous devons atteindre la cible de 100% renouvelables (ou du moins une très forte majorité) : c’est l’hypothèse étudiée dans le rapport, nous y voilà.
Qu’y a-t-il dans ce fameux rapport ?
Que dit le rapport de RTE et de l’AIE à ce propos ? L’idée générale est que le 100% renouvelable est techniquement possible en théorie, mais sous quatre conditions, explicitées dans le rapport, qui doivent être remplies. Et réussir à satisfaire ces conditions est, hélas, difficile. Regardons les toutes les quatre.
1) Stabilité du système électrique
Pour avoir une fourniture d’électricité qui réponde au besoin, le courant fourni doit être stable en permanence : 220V et 50Hz maintenus chaque seconde, chaque minute, 24/24 et 7/7. Actuellement cette stabilité est obtenue grâce à l’inertie des énormes alternateurs qui fabriquent l’électricité dans nos centrales thermiques (nucléaire ou charbon ou gaz) et qui, dans tout le pays et même dans toute l’Europe, sont synchronisés et tournent tous ensemble rigoureusement au même rythme. Avec une majorité d’énergies éoliennes et photovoltaïques, assurer cette stabilité est un défi technique extrêmement complexe. Et ce que nous dit le rapport à ce sujet c’est que aujourd’hui, il n’existe pas de solution technique validée à l’échelle de la France. Celles qui existent ne sont qu’expérimentales et à petite échelle.
2) Sécurité d’alimentation
Nous avons besoin d’électricité en permanence. Notre système de production électrique doit donc être capable de fonctionner tout le temps : jour, nuit, été, hiver, aucune pause possible. Pour fixer les idées, en France, cela représente une puissance entre 50 et 100 GW (les variations sont journalières et saisonnières). Or les éoliennes et le photovoltaïque posent un problème évident et absolument majeur : d’où vient l’électricité quand il n’y a pas de vent et pas de soleil ?? Et ce n’est pas rare : en hiver ce genre de situation météo peut durer plusieurs jours (temps couvert & sans vent) et couvrir en même temps une grande partie de l’Europe. La solution est double : il faut stocker l’énergie et il faut adapter la demande i.e. moins consommer quand on manque d’électricité.
– Pour le stockage, le rapport indique qu’aujourd’hui, il n’existe pas de solution mûre techniquement permettant de stocker à grande échelle. La seule solution viable aujourd’hui pour stocker l’énergie en quantité est le stockage d’eau dans des barrages d’altitude (installations STEP). Mais l’énergie hydraulique est déjà exploitée à un niveau proche de son plein potentiel en France.
– Et pour l’adaptation de la demande, le rapport souligne les sévères difficultés d’acceptation sociale que cela représente. En effet qui, où, quand, va accepter d’arrêter d’utiliser de l’électricité quand on en manque et qu’il faut baisser de 50% la consommation ? Quel train on arrête ? Qui est OK pour débrancher son frigo ? Qui va repousser son déplacement pour laisser sa voiture électrique au garage ? Qui va couper son chauffage ? Quelle entreprise va arrêter de produire ?
3) Réserves opérationnelles
Pour fonctionner, un réseau électrique doit avoir de la réserve pour produire de l’électricité très rapidement et en urgence en cas de coup dur (incident dans une centrale ou sur une ligne haute tension par exemple, ça arrive de temps en temps), cela pour éviter ce qu’on appelle le « Black Out », c’est à dire tout le réseau qui tombe parce qu’on ne produit pas assez par rapport à la demande : plus personne alors n’a d’électricité et il faut des heures pour le rétablir. C’est déjà arrivé.
Sur ce point, rien de vraiment problématique dans le rapport.
4) Réseau électrique
Pour pouvoir acheminer l’électricité produite en de multiples endroits (i.e. toutes les éoliennes et tous les panneaux solaire qui fonctionnent en même temps) et la distribuer partout sur le territoire, il faut un réseau électrique adapté : les lignes électriques doivent être partout suffisamment dimensionnées. Or, le réseau actuel est optimisé pour un petit nombre de lieux de production bien connus (les centrales électriques). Il faudrait le renforcer à de multiples endroits et cela nécessiterait des dizaines de milliards d’euros d’investissement (50 à 80 d’après le rapport).
Que conclure ?
Voilà ce que l’on peut conclure de ce rapport : réussir à remplir les quatre conditions est hypothétique, long, complexe et coûteux. Bon, supposons maintenant que nous finissions, dans quelques décennies, par y arriver : développement et déploiement sur tout le pays des solutions techniques nécessaires, acceptation par la population de contraintes fortes, réalisation des dépenses nécessaires. Supposons cela. Alors qu’aurons nous gagné ? Et bien rien. Quasi rien.
Pourquoi cela ? Souvenez-vous de l’objectif poursuivi, sur lequel nous étions d’accord (je le suppose) au début de l’article : la priorité est de réduire les émissions de CO2 pour lutter contre le réchauffement climatique. Or, aujourd’hui, en France, la production électricité est déjà décarbonée à plus de 90%, du fait de nos modes de production : essentiellement nucléaire(4) et hydraulique.
Ainsi, au regard de l’objectif de lutter contre le réchauffement climatique, développer l’éolien & le solaire photovoltaïque et sortir du nucléaire est inutile et ne nous fera quasi rien gagner : aucune baisse substantielle des émissions de CO2 malgré le coût et les efforts accomplis.
A moins de considérer que sortir du nucléaire est un objectif plus fort et plus important que lutter contre le réchauffement climatique – et on a le droit de le penser, cela relève du choix de société, mais alors il faut en assumer les conséquences – il n’y pas de raisons de prioriser une sortie du nucléaire.
En allant un plus loin, on peut même dire que ce débat « nucléaire contre renouvelables » qui occupe le devant de la scène en France est… hors sujet (j’ose !). En effet, la lutte contre le réchauffement est une course contre la montre où chaque jour compte. Or, pendant qu’on débat, on n’avance pas alors qu’il y a tellement d’autres choses à faire pour agir sur la fraction de notre consommation d’énergie qui n’est pas utilisée pour la production d’électricité : 80% de l’énergie que nous consommons est utilisée pour autre chose que fabriquer de l’électricité !
Par exemple, les deux plus importantes sources d’émission de CO2 en France sont les transports et le logement (cf schéma « empreinte carbone des français » ci-dessous). C’est là-dessus qu’il faudrait mettre le paquet de toute urgence : refaire l’isolation thermique de tous les bâtiments, repenser l’aménagement du territoire pour favoriser les « mobilités douces » non émettrice de carbone et les transports en commun, électrifier ce qui peut l’être pour ne plus dépendre des fossiles, etc… Tout cela dans une démarche de sobriété globale (j’ai utilisé le mot « dé-croissance » dans l’article sur l’énergie), indispensable pour, d’abord, stabiliser puis diminuer notre recours aux sources d’énergie.
Bien sûr vous allez me dire (si si je vous entends d’ici) : mais avec le nucléaire, quid du danger des matières radioactives ? quid du risque d’accident ? quid de la gestion des déchets ?
Vous avez raison, ces questions sont évidemment importantes. Et pas simples : elles nécessiteraient un autre article complet, est-ce que cela vous intéresserait ? Si oui, à vos commentaires en bas de cet article pour me le dire ! Bon vite fait, un petit résumé quand même : oui le nucléaire présente des dangers, bien sûr. Mais il est tout à fait possible d’en maîtriser les risques de manière acceptable (je reparlerai de la différence entre « danger » et « risque », ce n’est pas la même chose). C’est en termes de comparaison bénéfices / risques qu’il faut raisonner, en gardant en tête l’épée de Damoclès du réchauffement climatique.
Exemple de raisonnement en bénéfices / risques : l’utilisation de la voiture. Tous les ans en France il y a 3000 morts dans les accidents de la route. La voiture c’est donc un danger n’est-ce pas ? Pourtant vous la prenez quand même, alors que vous mettez votre propre vie en jeu. C’est parce que vous considérez que le risque est suffisamment maîtrisé et faible, au regard des bénéfices que vous retirez de l’usage de la voiture : vous raisonnez en bénéfices / risques.
Pour finir, entendons-nous bien : je ne suis pas en train de dire que le nucléaire est LA solution au réchauffement climatique.
Ce que je dis c’est que :
– Le nucléaire civil est un outil pour nous aider à lutter contre le réchauffement climatique. Nous ne pouvons pas nous permettre de nous en passer : toutes les solutions permettant de diminuer nos émissions de CO2 doivent être mises en œuvre pour avoir une petite chance d’arriver à gagner ce combat. Il faut taper tous azimuts partout où c’est possible pour réduire les émissions. Le défi est déjà extraordinairement difficile alors si en plus on se prive volontairement de certaines solutions, c’est sûr que c’est cuit (sans jeu de mot).
– En parallèle, il faut bien sûr développer les énergies renouvelables partout où c’est pertinent dans le monde. Mais en France aujourd’hui ce n’est pas une priorité car il y a bien d’autres actions à mener d’urgence, beaucoup plus efficientes pour décarboner nos activités (cf ci-dessus : transports, bâtiments, aménagement du territoire, sobriété…).
[clin d’œil] Il est possible d’être écolo sans être anti-nucléaire ! ;-)
Je vous invite à lire cet article qui explique la prise de position de Zion Lights, ancienne porte parole britannique du mouvement Extinction Rebellion, en faveur du nucléaire civil.
Voilà, avec cet article je sors quelque peu de mon rôle de vulgarisateur scientifique. Comme indiqué plus haut, choisir de sortir ou pas du nucléaire relève d’un choix de société et pas d’un choix objectif sur des critères purement scientifiques. Mais la complexité du sujet est telle que ce choix est difficile et complexe. Il faut se donner les moyens de comprendre les tenants et aboutissants pour pouvoir se forger son opinion. J’ai mis des années à me forger la mienne, j’espère vous avoir, un peu, aidé à vous forger le vôtre.
(1) RTE, Réseau de Transport d’Électricité, est l’entreprise qui, en France, a en charge la gestion du réseau de transport d’électricité (i.e. les lignes à haute tension). Historiquement, cette entreprise était une partie d’EDF avant d’en être séparée (filialisation) au début des années 2000, en conséquence de la réglementation européenne sur la concurrence dans le secteur de l’énergie (qui est une erreur monumentale à mon avis, mais c’est un autre débat).
L’AIE est l’Agence Internationale de l’Énergie.
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(2) Je ne veux pas éluder ou minimiser les autres problématiques environnementales auxquelles nous sommes confrontés : chute de la biodiversité, pollutions des océans, des sols, de l’air , épuisement des ressources… mais clairement le réchauffement climatique les dépasse toutes en terme de globalité de l’impact, d’irréversibilité absolue – à notre échelle de temps – des processus enclenchés et de conséquences négatives sur les populations, d’abord hélas les plus pauvres de la planète mais pas que, loin de là : on parle en centaines de millions, puis milliards, de personnes impactées.
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(3) Les autres sources de production d’électricité non carbonées sont intéressantes mais hélas non généralisables à suffisamment grande échelle : énergie marémotrice, houlomotrice, géothermie, solaire thermique à concentration, biomasse…
Seul l’hydraulique – avec notamment les STEP qui permettent de faire du stockage – a le potentiel suffisant pour produire en masse de l’électricité décarbonée. Mais en France les sites encore exploitables aisément se font rares hélas. Je vous signale tout de même l’idée de cet étudiant ingénieur en hydraulique de faire une gigantesque STEP en utilisant le lac Léman comme réservoir inférieur et en noyant, à l’aide d’un nouveau barrage, la vallée d’Abondance pour faire le réservoir supérieur (personne n’habite dans la vallée d’Abondance ? … Ah si, en fait !). Une idée qui interpelle.
Et pour ceux qui pensent à l’hydrogène, ce n’est pas une source d’énergie. Ce n’est « que » un vecteur, qu’il faut fabriquer à partir d’une autre source (majoritairement fossile actuellement, mais possible aussi par électrolyse)
Enfin il y a la fusion nucléaire (projet ITER) mais pour l’instant la faisabilité reste très hypothétique. Rendez-vous dans 50 ans pour savoir si c’est toujours le cas ou pas...
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(4) Ce qui sort d’une tour de refroidissement de centrale nucléaire c’est uniquement de l’eau : une centrale nucléaire produit de l’électricité sans émettre de CO2, contrairement aux idées reçues d’un grand nombre de personnes !
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Excellent article Philippe qui pose clairement le sujet avec des questions simples et qui démystifie le sujet du nucléaire , j’ai appris des choses, merci !
MERCI Philippe pour cet article, même si, pour une fois, mon adhésion n’est que partielle …
Ce qui me semble contestable, c’est ce que tu appelles la comparaison « bénéfices/risques » relative au nucléaire civil. En effet, tu as raison, quand j’utilise ma voiture, je prends un risque, mais si j’adopte une vitesse de déplacement raisonnable, si je veille au bon état d’entretien de mon véhicule, si je suis en bonne forme physique et mentale, si je réduis mon kilométrage total annuel au strict nécessaire, … je peux agir afin de diminuer ma mise en danger jusqu’à la considérer comme « raisonnable ».
Avec l’énergie nucléaire, il n’en est rien, je n’ai personnellement aucun pouvoir de minimiser le risque encouru !
Les USA, la Russie et le Japon ont connu des catastrophes majeures. Plus le temps passe et plus la probabilité grandit que la France / l’Europe y soit un jour confrontée ! Et puis, je m’abstiens d’ouvrir les débats concernant la gestion des déchets et le démantèlement des centrales.
Bref, ce que je conteste, à propos du nucléaire civil, c’est ton « Nous ne pouvons pas nous permettre de nous en passer » ! Je pense au contraire que nous devons travailler à ne plus en dépendre, je le pressens en pensant à mes enfants qui ont trente ans et mes petits enfants qui en ont trois !!!
Pour le reste, je partage ton analyse, il faut décarboner nos activités, parfois aussi se poser la question de leur pertinence (l’équilibre bénéfice personnel/coût environnemental) et bien entendu développer les énergies renouvelables.
Philippe S.
Merci Philippe de nous apporter de la matière pour débattre. Et perso, je veux bien que tu approfondisses le bénéfice risque du nucléaire, justement avec le recul sur les accidents tragiques comme Tchernobyl et leurs conséquences. D’ailleurs, je conseille vivement ce livre que j’ai subtilisé à mon petit dernier en 2nde année de prépa scientifique dont le thème de philo français est la force de vivre, le titre est : la supplication de Svetlana Alexievitch. Une autre façon de voir cet événement historique. Rien de scientifique…enfin en ce qui concerne la pure production d’énergie nucléaire mais on y voit l’envers du décor suite à cet « accident ». Bonne lecture !
Je me doutais qu’avec cet article dans lequel je vais au-delà de la simple vulgarisation, tout le monde ne serait pas d’accord avec l’idée que je défends ;-)
Bon mon exemple de la voiture n’est pas hyper bien choisi. En effet en voiture nous avons prise sur les évènements et nous pouvons réduire les risques par notre comportement. J’aurais dû choisir d’autres exemples de choses que l’on choisit de faire en prenant un risque que l’on sait suffisamment faible, sans avoir soi-même de prise dessus :
– Prendre le train : il y a des accidents de temps en temps même s’ils sont rares
– Prendre l’avion (un avion commercial je veux dire, sinon si on est soi-même pilote, on retombe sur le cas de la voiture. Ceci étant l’impondérable existe même quand on est aux commandes / au volant : défaillance mécanique, collision avec un animal…) : les crashs existent, heureusement rares là aussi
– Utiliser du gaz à la maison : en moyenne 10 morts par an en France
Sur le risque d’accident dans une centrale, bien sûr c’est flippant. Il y en a eu effectivement 3 majeurs dans le monde : Three Mile Island aux USA (1979), Tchernobyl en Ukraine (1986) et Fukushima au Japon (2011).
Je connais (sans l’avoir lu) le livre La Supplication, dont la récente série Chernobyl (que j’ai vu) s’est, entre autres, inspirée. Cet accident est une tragédie et quand on sort de la série – ou du livre, on me l’a raconté – on est horrifié et on ne peut que se dire « plus jamais ça ». Je suis en phase avec cela bien sûr.
Ceci étant, des catastrophes industrielles terribles il y en a eu d’autres malheureusement. Par exemple AZF à Toulouse, et aussi Beyrouth : explosions dues au nitrate d’ammonium, produit extrêmement dangereux. Est-ce que pour autant on arrête de fabriquer du nitrate d’ammonium ? Non, car il est utile pour fabriquer les engrais azotés indispensables à notre agriculture. Bhopal et Seveso : accidents catastrophiques dans des usines chimiques. Est-ce qu’on a arrêté les usines chimiques ? Non, car elles nous sont indispensables pour fabriquer d’innombrables et indispensables produits.
Qu’est-ce qu’on a fait après ces catastrophes ? On en a tiré des leçons, fait des adaptations techniques, changé la règlementation, augmenté les contrôles… etc pour maîtriser les risques au maximum et éviter d’autres catastrophes. Et c’est aussi ce qu’on a fait dans les centrales nucléaires, dans la même logique de bénéfices/risques.
A la base je ne suis pas fan du nucléaire : ce serait l’idéal de pouvoir s’en passer. Pour vous dire d’où vient ma conviction qu’il faut continuer à l’utiliser : j’ai pris la claque de ma vie quand, il y a quelques années, j’ai découvert l’ampleur du réchauffement climatique, la violence du phénomène, 20 fois plus rapide que tous les changements de climats que la Terre a jamais connu, son irréversibilité, ses conséquences sur des centaines de millions de personnes et leur gravité : des millions de morts, je pèse mes mots.
Je raconte tout cela dans ma conférence, mais il faudrait que j’en fasse un article (un autre !). Et c’est cela qui pèse lourd dans la balance, très très lourd.
Bon OK, je vais faire un autre article sur le sujet des dangers et risques du nucléaire, et j’aborderai aussi la question des déchets et le démantèlement des centrales.
Merci pour vos retours !
Merci philippe pour cet éclairage et ce débat, fort bien posé.
Il est bien évidemment difficile de dire : » Jje suis pour le nucléaire car c’est mieux que rien » mais tout de même…
Comme dans tout problème complex, il faut identifier clairement la cible (les enjeux) et s’organiser pour l’atteindre.
Lorsque Airbus a conçu l’A350, le CdC était très ambitieux, très complex et contraint en temps et en budget. Néanmoins, le premier objectif a toujour été de transporter des passager en toute sécurité. Chaque option a été évaluée et le choix s’est toujours porté sur la solution garantissant la sécurité des passagers. Son concurrent l’a régulièrement oublié, en mettant les coûts de développement en avant. Le rapport Danger/Risque n’était pas favorable à la sécurité.
Mon propos liminaire est un peu long, mais il illustre la question de cet article. Quel est le risque le plus important pour l’humanité ? Le réchauffement climatique ? Les accidents nucléaires ? La récession ?
Peut-on mettre en œuvre des solutions permettant de remplacer le nucléaire assez rapidement ?
Bref, le nucléaire devra être remplacé, c’est évident, mais quand ?
Nous manquons cruellement d’informations et de scenarios pour comprendre et choisir. A quand des émissions en prime time sur ces sujets de société ?
Et si la solution aux dangers de l’énergie nucléaire était d’en sortir…par le haut : Élaboration de petites et micros centrales pouvant équiper de petites unités de production électriques et même être installées comme motorisation sur certains véhicules.
Et surtout, la maitrise industrielle de la fusion nucléaire qui apporterait de gros avantages et résoudrait à terme le problème des déchets.
A ce propos, on peut désormais avoir accès à certains articles de la passionnante revue » Fusion » qui abordait naguère ce sujet de l’énergie ainsi que bien d’autres thèmes scientifiques : http://www.larecherchedubonheur.com/article-27284380.html
Bonne journée !
Ah merci bcp pour ce lien vers les archives de la revue Fusion, une mine d’or ! Le nom me dit vaguement qq chose, j’ai dû déjà en entendre parler (?). Je vais me plonger dans ces archives avec plaisir :-)
Pour de qui est de la fusion nucléaire, oui c’est un espoir. Mais pas avant longtemps hélas : après ITER ils prévoient un deuxième réacteur de recherche, puis un prototype industriel avant de enfin pouvoir fabriquer des réacteurs industriels. Aujourd’hui ils annoncent 2060 mais depuis des décennies ça ne cesse de reculer, il y aura donc vraisemblablement d’autres décennies de retard. Il faut dire que maîtriser la fusion est un défi absolument colossal et d’une complexité inouïe : réussie à confiner magnétiquement un plasma de 100 millions de degrés qui n’a pas du tout « envie » de se laisser confiner, c’est redoutablement difficile.Pour l’instant il ne faut pas compter dessus hélas, c’est trop tôt et trop hypothétique…
Quant aux petits réacteurs (SMR : Small Modular Reactor) ont le vent en poupe depuis quelques années. Plusieurs dizaines d’entreprises dans le monde y travaillent. Il est vraiment intéressant de voir ce qui va en sortir. Standardisation, faible coût, faible encombrement, sûreté intrinsèque, peu de maintenance, ils pourraient représenter des solutions décarbonées dans de nombreux cas : sites isolés, non raccordés au réseau.. A suivre !
Pour illustrer mon propos sur le fait que les impacts du réchauffement climatiques pèsent lourd dans la balance, voici (commentaires suivants) un article du Monde paru ces jours-ci.
Il fait suite à une publication récente de Météo-France de prévisions d’évolution du climat de la France, qui pourrait devenir extrême à la fin du siècle, avec des maximales à 50 degrés l’été ou encore de fortes pluies l’hiver au Nord, si on n’agit pas rapidement.
Une seule canicule en France c’est plusieurs milliers de morts (15 000 pour celle de 2003). Alors que la France :
Première page de l’article
Suite et fin
[Je crains que ce commentaire n’arrive après la bataille : personne ne va le lire ahah ! ;-) ]
Si toutefois quelqu’un lit ceci, dites le moi !
Merci Philippe pour cet article très explicite. Auriez-vous un tableau ou pourriez-vous m’orienter vers un site où je pourrais trouver un tableau recensant les plus importantes sources d’émission de CO2 au niveau de la planète ? Je vous remercie d’avance. Cordialement Christian
Bonjour Christian,
Il faut distinguer :
– les émissions de CO2 des différents pays (émissions effectives sur le territoire de chaque pays)
– l’empreinte carbone de chaque pays (émissions effectives de CO2 modulées des importations / exportations de produits ayant nécessité d’émettre du CO2 pour être fabriqués).
Illustration : pour la France, si on ne compte que les émissions, le smartphone fabriqué en Chine que l’on a tous dans la poche ne compte pas. Mais ce n’est pas très normal, il est préférable de raisonner en empreinte carbone, plus juste.
Ajoutons à cela que pour être encore plus justes il convient aussi de ramener cela par habitant.
Il y a l’article suivant qui donne les chiffres pour les principaux pays, avec les chiffres en empreinte et par habitant, qui sont plus difficiles à trouver :
https://decrypterlenergie.org/dereglement-climatique-les-americains-et-les-chinois-sont-ils-les-seuls-responsables (article avec les sources est les références utilisées, appréciable !)
Sinon sur les différentes activités émettrices de CO2 au niveau mondial, il y a cet article sur le site de JM Jancovici :
https://jancovici.com/changement-climatique/les-ges-et-nous/comment-evoluent-actuellement-les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre/
J’espère répondre à la question avec ces deux articles, sinon je peux en rechercher d’autres, avec plaisir !
Philippe