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C’est la saison : certains matins on commence à gratter les pare-brises de nos voitures couverts de givre. Mais avez-vous remarqué un truc bizarre ? Même si la température ambiante minimale atteinte au moment le plus froid de la nuit (juste avant le lever du soleil) n’est pas négative, par exemple +3 degrés, il y a quand même du givre.
C’est étrange, non, quand on sait que l’eau gèle seulement en dessous de 0 degrés ?

Roses couvertes de givre

Voilà l’explication : le givre peut se former car, la nuit, les objets (sol, végétation, voitures….) sont plus froids que l’air, et la différence peut être de plusieurs degrés. Ainsi même si la température ambiante – c’est à dire celle de l’air à environ 1,5 m du sol – est de 2 degrés, il est tout à fait possible que la surface d’un objet comme une voiture soit par exemple à -1 degrés. Dans ce cas, la vapeur d’eau contenue dans l’air(*) va pouvoir se condenser sur la surface froide de l’objet et former du givre.
Ce phénomène de différence de température entre les objets et l’air se produit en réalité toutes les nuits : s’il fait un peu moins froid c’est juste de la rosée qui se forme, au lieu du givre, toujours par condensation de la vapeur d’eau contenue dans l’air. De fait, nous avons tous constaté que, le soir dès que la nuit tombe, de la rosée commence à se former dans l’herbe, non ?
Il n’y a que lorsqu’il y a du vent que le phénomène est perturbé et peut ne pas se produire. Dans tout cet article nous faisons d’ailleurs l’hypothèse de l’absence de vent : dès l’instant où il y a du vent tous les phénomènes évoqués sont perturbés par le mouvement de ce fluide qu’est l’air.

Bon tout cela est bien joli, mais comment se fait-il que, la nuit, sans vent, les objets sont plus froids que l’air ?? Pourquoi les objets ne sont-ils pas tout simplement à la même température que l’air dans lequel ils baignent ?

Pour le comprendre, il faut répondre à la question suivante : comment un objet se refroidit-il ?
En fait il n’y a pas 36000 façon pour un objet de se refroidir (sans vent), il y en a deux :

  1. refroidissement par contact avec un objet plus froid (refroidissement par « conduction ») : si vous mettez en contact un objet froid et un objet chaud alors un transfert de chaleur(**) va se produire du chaud vers le froid et l’objet le plus chaud va se refroidir.
    Ce n’est toutefois pas le phénomène qui est en cause ici car la nuit les objets qui nous intéressent (voiture, végétation) ne sont pas en contact avec un autre objet qui serait plus froid…
  2. refroidissement par rayonnement : nous y voilà, on arrive au cœur du sujet. Qu’est-ce que c’est que cette histoire de rayonnement ?

Il faut savoir que la matière a une propriété intrinsèque et universelle : les objets et les corps, quels qu’ils soient, émettent tous en permanence une lumière invisible à nos yeux : des rayonnements infrarouges. Plus ils sont chauds, plus ils en émettent, et plus ils sont froids, moins ils en émettent.

En mesurant les infrarouges émis par les objets, les caméras infrarouges permettent (par exemple) de voir les hommes et les animaux la nuit car ils sont plus chauds que leur environnement.

Et du coup que se passe-t-il quand la nuit tombe ? La lumière du soleil, qui baignait tout l’environnement et réchauffait le sol et les objets, disparaît mais les émissions d’infrarouges, elles, restent car elles sont permanentes. Il y a donc un déséquilibre qui s’installe et le sol et les objets perdent leur chaleur par rayonnement (infrarouge). Conséquence : ils se refroidissent. On appelle cela le « refroidissement radiatif »(***).

Voilà donc l’explication principale : la nuit, les objets et le sol se refroidissent par rayonnement, deviennent plus froid que l’air, qui se refroidit aussi à son tour progressivement à leur contact. C’est la raison pour laquelle il y a jusqu’à 5 degrés d’écart en la température de l’air à 1,5 m du sol et la surface du sol.
En quelque sorte, la nuit, tout se refroidit à partir du bas, à cause des infrarouges émis par le sol et les objets. D’où le fait que ceux-ci se couvrent de rosée – ou de givre s’il fait suffisamment frais – par condensation de la vapeur d’eau présente dans l’air.
[J’ajoute encore une fois que tout cela n’est vrai qu’en l’absence de vent : si le vent souffle à plus de 5km/h, alors le brassage de l’air qui en résulte homogénéise les températures partout]

Refroidissement radiatif par le sol

Pour aller un petit peu plus loin, vous avez peut-être remarqué que le givre ne se forme pas de la même façon partout : certains objets sont plus givrés que d’autres non ?
En effet, il se trouve que les objets petits et fins vont plus rapidement perdre leur chaleur et descendre en température à cause de leur petit volume, en comparaison des objets plus massifs qui possèdent en quelque sorte une « réserve » de chaleur du fait de leur volume important. Ainsi les brins d’herbe, les fleurs, les feuilles, la tôle fine d’une carrosserie de voiture, un pare-brise de quelques millimètres d’épaisseur, une ardoise sur le toit d’une maison, vont givrer plus vite que, par exemple, un mur ou un tronc d’arbre.
Autre observation : la baisse de température est plus importante les nuits sans nuages, vous aviez remarqué. En effet quand il y a des nuages ceux-ci vont absorber les infrarouges émis par le sol & les objets et les réémettre, en partie vers le sol, ce qui va limiter le refroidissement de celui-ci. Il est bien plus rare d’avoir à gratter sa voiture le matin quand la nuit était nuageuse…

Refroidissement par le sol par temps nuageux

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui, vous pouvez me remercier d’avoir répondu à une question qui, j’en suis sûr, vous taraudait depuis longtemps ! ;-)

(*) Pour avoir quelques compléments d’explication à propos de la vapeur d’eau, vous pouvez lire mon précédent article concernant l’influence de la vapeur d’eau sur l’intensité de certains phénomènes climatiques.
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(**) Une petite digression : c’est quoi exactement la « chaleur » ? C’est vrai ça, on en parle couramment mais le savez-vous précisément ?
Si je voulais l’exprimer de façon provocante, je dirais que la chaleur… ça n’existe pas ! En effet, la chaleur n’est pas un fluide, ce n’est pas quelque chose qui aurait une existence propre que l’on pourrait isoler, manipuler, stocker ou transmettre en tant que tel.
Alors qu’est-ce que c’est ? Bon, vous savez que la matière – solide, liquide ou gazeuse – est constituée d’atomes et/ou de molécules, n’est-ce pas ? Et bien il se trouve que ces atomes & molécules ne sont jamais immobiles, ils bougent et/ou vibrent en permanence et c’est cette agitation permanente qu’on appelle la chaleur. Plus les atomes/molécules s’agitent et plus l’objet qu’ils/constituent est chaud. Et vice versa, plus les atomes/molécules sont « calmes », plus il est froid.
Lorsque les atomes & molécules sont totalement immobiles alors on atteint la température la plus basse qui puisse exister : -273,15 degrés Celsius. On l’appelle le « zéro absolu ». NB : en réalité on ne l’atteint jamais complètement car il est extrêmement difficile d’empêcher totalement les atomes et molécules de bouger (c’est comme pour les jeunes enfants à table !). On arrive seulement, dans des expériences scientifiques poussées et avec de gros moyens, à s’en approcher à quelques fractions de degré près.

Du coup (oui oui, je sais, il y en a que ça énerve mais j’aime bien dire « du coup » !), quand on parle de « transfert de chaleur » par conduction d’un objet chaud à un objet froid, ce qui se passe en réalité c’est que les atomes/molécules de l’objet chaud transmettent leur agitation aux atomes/molécules de l’objet froid.
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(***) Et comment s’explique le refroidissement radiatif si on raisonne en termes d’agitation thermique des atomes/molécules ? Et bien c’est simple : quand un atome émet un rayon infrarouge, ça lui demande un peu d’énergie => ça le calme et après il s’agite moins => il est donc plus froid ! Voilà pourquoi l’émission des infrarouges refroidit les objets…
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