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Les vidéos où l’on peut voir un iceberg se retourner sont impressionnantes. Ce phénomène est très dangereux pour ceux qui se trouvent à proximité : vagues, projections de glace, rupture possible de l’iceberg… pas top si par exemple vous étiez tranquillement à côté dans votre petit canoë en train d’admirer le paysage. Par exemple, voici une vidéo dans laquelle on voit l’explorateur Mike Horn grimper sur un iceberg… qui se retourne au bout de quelques secondes (chance : il s’en sort sans dommage, lui et son acolyte) :

Mais pourquoi certains icebergs décident-ils de se retourner d’un coup, sans prévenir ? Quelle mouche les pique brusquement ?

Il y a bien sûr une explication logique à ces retournements.

On trouve les icebergs autour des régions polaires : après s’être détachés de la banquise ou des glaciers, ils partent en mer en flottant et en fondant(*) lentement. Dans ces régions il fait froid, l’air est souvent à des températures négatives. L’eau de l’océan par contre est moins froide que l’air : autour de quelques degrés. Dans tous les cas, même si l’eau salée reste liquide un peu en dessous de zéro, la température de l’eau ne descends jamais en dessous de -2°C.

En conséquence de cette eau (relativement) plus chaude ainsi que de la conductivité thermique de l’eau plus importante que celle de l’air, un iceberg fond par en dessous, dans sa partie immergée. Ainsi, au fur et à mesure de sa fonte, l’iceberg perd sa masse par le bas et devient progressivement plus léger dans sa partie inférieure immergée(**). Ceci conduit à ce que son centre de gravité monte progressivement… jusqu’à atteindre un point de bascule lorsque le haut de l’iceberg devient trop lourd par rapport au bas : alors il tombe et se retourne, partiellement ou totalement !
Et ensuite ça recommence : il continue à fondre par en dessous et peut ainsi se retourner plusieurs fois avant de fondre complètement.


Pour compliquer l’affaire et rendre le retournement encore plus imprévisible, d’autres paramètres entrent en jeu :
– l’ensoleillement,
– la convection de l’eau,
– la convection de l’air,
– l’érosion par les vagues
(plus de détails sur le processus de fonte des icebergs sur ce site canadien).
Ces facteurs contribuent à modifier la forme de l’iceberg, et donc la position du centre de gravité, et influent sur le moment de basculement(***).

Iceberg laissant voir le bleuté de la glace par transparence :-)

Tous les icebergs ne se retournent pas : cela dépend de leur forme.
– Un iceberg en forme de plaque ne va pas se retourner : comme une planche en bois, il va flotter de manière très stable.
– Ceux qui se retournent facilement sont ceux qui possèdent une forme globalement ramassée et plutôt compacte.
– Les formes très verticales que l’on voit parfois dessinées sont incapables de flotter en vrai : un iceberg avec une telle forme se retournerait sur le côté immédiatement. Par exemple, une forme d’iceberg comme la vue d’artiste ci-dessous n’est pas possible physiquement car il ne tiendrait pas ainsi en équilibre verticalement :

Vue d’artiste d’un iceberg imaginaire qui serait instable en réalité

Pour se rendre compte de l’influence de la forme d’un iceberg sur sa capacité à se retourner, voici un site internet tout simple sur lequel vous pouvez expérimenter toutes les formes que vous souhaitez :
– dessinez un iceberg avec la souris,
– attendez quelques secondes et regardez comment il se comporte : il se retourne ou pas ??
– recommencez avec une autre forme : plus haute, plus large, carrée, triangulaire, biscornue,…
…expérimentez et amusez-vous !

PS
Pour ceux qui attendent l’article sur le nucléaire, c’est toujours en cours. Mais j’ai découvert ce site sur lequel on peut dessiner des icebergs et les regarder se retourner (j’ai joué avec un bon moment…), et j’ai immédiatement eu envie de faire un article dessus.
C’est comme cela que je fonctionne : j’ai souvent un ou plusieurs articles en cours, pour lesquels le travail de recherche et la rédaction sont un peu longs – plusieurs soirées – mais si j’ai un coup de cœur je rédige un article plus rapide comme celui-ci (rédaction en une grosse soirée), je le publie sans attendre d’avoir terminé les autres.
Il arrive aussi que certains d’entre vous me donnent des idées auxquelles je n’avais pas forcément pensé : par exemple l’article sur Oumuamua, en lien avec une actualité, que j’ai rédigé toutes affaires cessantes en laissant en plan le reste pendant ce temps…

(*) Normalement j’enfonce une porte ouverte mais je précise quand même on ne sait jamais : la fonte des icebergs ne fait pas monter le niveau des océans, on est bien d’accord ?
Tentez l’expérience si vous voulez avec le glaçon dans votre verre de pastis (ou de ti punch, ça marche aussi ;-) ) : notez le niveau de l’eau avec un petit trait, attendez la fonte du glaçon, et constatez que le niveau n’a pas bougé !
Cela est lié au fait que la glace est plus volumineuse que l’eau (les bouteilles d’eau en verre que vous congelez éclatent, vous le savez), la densité de la glace étant plus faible que celle de l’eau liquide : la glace flotte sur l’eau.
La différence de volume entre une quantité d’eau et cette même eau gelée est exactement identique au petit volume de glaçon qui est émergé au dessus du liquide. Quand le glaçon fond, l’eau reprend son volume initial et la hauteur d’eau ne bouge pas.
C’est pareil avec les icebergs, en plus grand…

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(**) La partie immergée de l’iceberg correspond à environ 90% du volume de l’iceberg. Seuls 10% de son volume est émergé au dessus de l’eau.
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(***) Pour en savoir plus sur les grands principes théoriques qui expliquent la stabilité / l’instabilité d’un objet flottant (notions de centre de gravité, centre de carène, métacentre, hauteur métacentrique), voici un document relatif à la stabilité des bateaux de pêche – mais valable pour tous les types de bateaux – que vous pouvez consulter. Allez lire le chapitre 2 « Définitions ».
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