Nous avons pu observer hier soir samedi 23 janvier dans le ciel Nantais (mais aussi semble-t-il au moins dans une grande partie du ciel Breton) un phénomène spectaculaire prenant la forme d’un gigantesque halo circulaire autour de la lune.
Ce phénomène est un « photométéore ».
– Le mot météore signifie : « quelque chose qui se passe dans l’atmosphère ». Car oui, un météore n’est pas un caillou qui tombe du ciel (ça c’est une météorite), même si le langage commun a tendance à faire ce raccourci.
– Le préfixe photo signifie « lumineux », vous aviez deviné.
Les principaux photométéores sont les halos lunaires (celui d’hier soir en est un exemple) et les arcs en ciels. Il en existe toutefois d’autres, voir ici. Une caractéristique intéressante de ces phénomènes c’est que les arcs en ciels et les halos, en fait, et bien… ils n’existent pas ! Je veux dire qu’ils n’existent que dans l’œil de l’observateur. Chaque observateur voit un halo (ou un arc en ciel) qu’il est le seul à voir. Un observateur différent en voit un autre, pas au même endroit.
Intriguant, non ?
Voilà comment cela s’explique.
L’origine des arcs en ciels
Les arcs en ciel se produisent lorsque le soleil brille et que, ailleurs dans le ciel, il pleut. Pour voir un arc en ciel, vous avez noté qu’il faut avoir le soleil dans le dos, et un rideau de pluie devant vous (sans bien sûr être soi-même directement sous la pluie).
Dans ces situations, les rayons du soleil qui viennent de derrière vous rencontrent les gouttes de pluie et entrent dedans, puis se réfléchissent à l’intérieur et repartent en arrière, avec un certain angle fixe par rapport au rayon entrant, ce qui vous permet de les voir.
Nota : S’il n’y avait que cela, les arcs en ciels seraient blancs. Mais il se trouve, en plus, que la réflexion des rayons du soleil à l’intérieur de la goutte est un petit peu différente en fonction de la couleur(*) de la lumière. La lumière du soleil étant un mélange de toutes les couleurs, la conséquence de cela est que les rayons lumineux ressortent décomposés en toutes les couleurs (ce sont « les couleurs de l’arc en ciel » selon l’expression consacrée).
Pour comprendre pourquoi chaque observateur voit son arc en ciel personnel, différent de celui des autres, il faut imaginer que en réalité il y a une multitude de rayons du soleil, qui rencontrent une multitude de gouttes de pluie. Et chaque goutte renvoie en arrière tous les rayons qui lui arrivent dessus. Résultat : il y a plein de rayons renvoyés par toutes les gouttes, c’est le binz ! Seul facteur d’ordre dans tout ça : les rayons renvoyés en arrière ont tous le même angle :
L’observateur Dupond D ne verra que certains des rayons renvoyés en arrière : ceux qui le sont par les gouttes situées en A et B. Il verra un arc en ciel situé vers les gouttes A et B. De même l’observateur Dupont T ne verra que les rayons renvoyés par les gouttes situés en C et D, donc pas les mêmes que Dupond D. Il verra un autre arc en ciel, situé vers les gouttes C et D.
Ainsi, chaque observateur verra son arc en ciel, différent de celui vu par d’autres.
Un arc-en ciel n’a pas de réalité physique, on ne peut pas lui attribuer une localisation dans l’espace (genre « il part au niveau de tel arbre et arrive au niveau de tel maison », par exemple) car il n’existe que dans l’œil de l’observateur. Lorsque l’observateur se déplace, « son » arc-en ciel se déplace avec lui… D’où la vanité de votre quête si vous souhaitez, en suivant ce que dit la légende, partir en quête du trésor enfoui au pied de chaque arc-en-ciel…
[Ah ces scientifiques qui détruisent ainsi les rêves… rabats-joies ! ;-) ]
L’origine des halos lunaires
Les halos lunaires se produisent lorsque la lune est bien visible dans ciel (pas de nuages épais qui la cachent), et que le ciel est légèrement voilé par un fin nuage d’altitude contenant de minuscules cristaux de glaces. Condition supplémentaire, il faut que ces cristaux de glace soient un peu particuliers : le phénomène ne se produit que lorsque les cristaux sont de type hexagonaux. Dans ce cas, les rayons lumineux venant de la lune sont un peu déviés en traversant les cristaux, d’un certain angle fixe. Attention : contrairement aux gouttes de pluie, ils ne repartent pas en arrière. Ils sont seulement un peu déviés mais cela ne les empêche pas de continuer leur route. Il y a aussi un petit phénomène de décomposition de la lumière qui fait apparaître des couleurs, comme l’arc en ciel, mais il est très léger et quasi invisible.
Comme pour l’arc en ciel, chaque observateur voit son halo personnel, différent de celui des autres.
Pourquoi ? Et bien comme pour l’arc en ciel, il y a une multitude de rayons lunaires, qui rencontrent une multitude de cristaux de glace. Et chaque cristal dévie tous les rayons qui lui arrivent dessus. Résultat : il y a des rayons renvoyés dans tous les sens par tous les cristaux, c’est le binz aussi ! Mais il y a le même facteur d’ordre : le fait que tous les rayons sont déviés selon le même angle.
L’observateur Dupond D verra :
– certains des rayons déviés par les cristaux : ceux qui le sont par les cristaux situés en A et B,
– certains rayons venant directement de la lune (ils sont passé à travers les cristaux, donc ils ne sont pas déviés,
cela formera donc un halo avec la lune au milieu.
De même l’observateur Dupont T verra les rayons déviés par les cristaux situés en C et D, donc pas les mêmes que Dupond D.
Ainsi, chaque observateur verra son halo, différent de celui vu par les autres.
Conclusion
Voilà cher lecteur, vous savez maintenant que chaque halo lunaire et chaque arc en ciel que vous voyez n’appartient qu’à vous, et à vous seul. C’est le vôtre et pas celui de quelqu’un d’autre !
Sympa non ?
NB : Cette propriété est particulière à certains photométéores tels que les arcs en ciels et les halo lunaires. Pour d’autres météores, par exemple les aurores polaires (boréales ou australes) c’est différent : quand il se produit une aurore quelque part, elle est située à un endroit bien précis dans l’atmosphère, et tous les observateurs voient la même !
Une aurore polaire appartient à tout le monde ;-)
(*) pour les puristes : on parle de « couleur » de la lumière mais on devrait plutôt parler de « longueur d’onde » : une couleur de l’arc en ciel correspond en fait à une longueur d’onde particulière de la lumière.
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